Après un bon petit déjeuner à l’hotel America, environné de travailleurs du secteur automobile sans doute en congrès ou de salon, je reprends mon chemin vers la sortie d’Igualada. Les 22 premiers kilomètres de cette étape me paraîtront bien longs car il faut bien le dire ils ne sont guère attrayant: le paysage n’est certes pas forcément laid, ce sont encore des collines boisées qui dominent, mais le chemin longe de très près la route et même assez longtemps l’autoroute et c’est donc dans un concert automobile assez intense que l’on circule. Bien protégé cependant puisque le tracé suit une piste cyclable presque totalement à l’abri du trafic mis à part quelques croisements.
Mais bon, hormis quelques villages (Jorba, Santa Maria del Cami) présentant quelques beaux édifices, je ne peux pas dire que je soit emballé, d’autant plus peut-être que ce Cami de San Jaume avait été si beau jusqu’à présent. En revanche, les associations jacquaires étant nettement plus actives à partir de cette région, le chemin est parfaitement indiqué.
Je tente de me concentrer quasi exclusivement sur ma marche, sur mon pas. J’avance, je pense à plein de choses et à rien en même temps. Difficile d’accrocher vraiment une pensée, ça fuse entre le travail, la famille, l’avenir, ma jolie bretonne, et tout s’entremêle bien sûr au fil des pas.
J’arrive tout de même jusqu’à un village bord de route nommé La Paradella où je trouve un café et de quoi me sustenter. Je suis un peu fatigué par cette marche forcée, mais après tout cela fait partie du charme particulier des chemins de St Jacques.
Je retrouve ensuite un sentier bien plus agréable, dans une aimable campagne vallonnée, pour aller jusqu’à . Là, j’attens un instant devant la jolie petite église dédiée à San Jaume justement, que Jesus, un bénévole de l’association des amis du chemin de Saint-Jacques locale, vienne me retrouver. Il arrive peu après accompagné de sa fille, qui l’a conduit jusque là. Nous allons partager les onze derniers kilomètres de l’étape qui relient la ville de Cerveda , où je fais donc étape ce soir.
Ils sont heureusement sur les chemins et bien à l’écart de la route, dans une campagne agréable et légèrement vallonnée. Jesus m’explique en marchant une foule de chose sur la région et le chemin. Il est relativement fréquenté : 450 pèlerins recensés l’an passé. Ils partent en générale de Montserrat. Nous apercevons bientôt la ville de Cervera, majestueusement posée sur une colline dominant la grande plaine agricole de la Segarra.
Quelques instants plus tard, nous sommes dans les rues du centre historique. Nous en profitons pour visiter l’université, qui fut un temps la seule de Catalogne, par décision du roi. Ainsi, la ville accueillait tous les étudiants de la région pendant le XVIII e et XIXe siècle. Le bâtiment est de taille, presque trop grand pour la ville. Aujourd’hui, c’est le lycée.
Jesus m’accompagne jusqu’à l’auberge. Aujourd’hui, je dors chez les religieuses. Leur accueil est très aimable et attentionnée. Autrefois, cet auberge était une crèche et tout le monde semble les connaître ici. Après un instant de repos, je repars explorer un peu la ville, qui est un centre historique important : c’est aussi là que s’est tenu le premier parlement de Catalogne, et en c’est temps de revendication indépendantiste, cela compte bien entendu. La ville est aussi connue pour sa « rue des sorcières », une ruelle de la place forte où se tenait des sabbats. On y fête encore les sorcières et les diables pour une manifestations annuelle bien connue ici.
Après avoir fini mon petit tour de vile, je dîne très agréablement en compagnie de Jesus, de Xavi et de Véronique, les amis du chemin de Cervera, qui m’invitent pour l’occasion. Véronique, venue du Gers il y a 25 ans, se charge de la traduction. Elle a appris à aimer cette région un peu austère où les étés sont très chauds et m’explique aussi beaucoup de choses sur cette terre agricole au riche passé historique. Demain, je vais encore la parcourir.