Tout récemment, j’ai passé quelques jours bien agréables à la découverte du Jura Trois lacs. Le Jura, je connaissais déjà assez bien, notamment à travers mes courses et mes randonnées itinérantes sur la GTJ et l’Echappée Jurassienne. Mais découvrir l’autre côté, c’est-à-dire la partie suisse du Jura, c’était une belle invitation.
C’est donc chose faite depuis ce séjour entre les cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel qui regroupe l’ensemble de l’entité touristique du Jura Trois Lacs. La météo, si belle et printanière la semaine précédente, m’avait réservé un accueil plutôt froid : des températures en chute libre, jusqu’à devenir négatives, et de la pluie puis de la neige. Tout cela n’était pas très engageant et j’ai dû adapter un peu mon programme. Néanmoins, ces quelques jours m’auront permis d’apprécier les beautés de la région et d’avoir un bon aperçu des larges possibilités de randonnées, de vélo, d’itinérances en tout genre offerte par le Jura Trois lacs. Et du coup de repartir avec l’envie d’y revenir pour une plus longue aventure.
Néanmoins, je vais vous raconter ce que j’ai pu découvrir entre les gouttes et les flocons en cette fin avril. Tout d’abord, avec ce temps capricieux et la fatigue consécutive au marathon de la Loire que j’avais couru juste avant, mon voyage au Jura Trois lacs a fait la part belle à la récupération et aux bons produits régionaux, particulièrement savoureux ici.
Au pays de la Tête de Moine
La primeur à la tradition : j’ai d’abord visité, juste après mon arrivée pluvieuse, l’ancien monastère de Bellelay où est encore fabriqué le fameux fromage « Tête de moine ». Un musée retrace l’histoire de cette production qui remonte au moyen-âge. Mon guide est très intéressant : il maîtrise aussi bien les aspects historiques que scientifiques ou nutritionnels et vous donne vraiment très envie de déguster ce fromage et d’en apprécier la saveur et les riches apports. Ca tombe bien, une dégustation est prévue pour compléter l’information ! La tête de moine a ceci de particulier qu’elle se déguste en la rapant, autrefois à l’aide d’un couteau, et depuis qu’un ingénieux ingénieur de la région l’eût inventé il y a une quarantaine d’année, une girolle. On mange ainsi des fines fleurs de fromages. C’est très bon et parfumé.
De quoi braver le froid pour aller visiter, à quelques pas, l’ancienne abbaye, une imposante architecture qui jouxte aujourd’hui un hôpital psychiatrique. Il faut dire que le lieu est reposant et empreint de sérénité.
Lac canadien et bière d’abbaye
Après une nuit dans le joli hôtel de la Chaux d’Abel, posé au milieu d’un beau plateau planté de sapins et de prairies où il fait sans doute très bon randonner, je rejoins au matin le canton du Jura et la commune de Saignelégier.
Là, je commence à nouveau par la récupération ! (j’ai couru un marathon dimanche et dois en courir un autre en fin de semaine, alors, ça va !) Nous visitons en effet la micro-brasserie locale, la Brasserie BFM.
La bière, ce n’est certes pas forcément la première spécialité qui vient à l’esprit lorsque l’on pense à la Suisse. Mais cette brasserie artisanale, fondée , a connu un grand succès. Local, mais aussi internationale : leur bière vieillie en fût de chêne, baptisée « Abbaye de Saint-Bon Chien » (Bon Chien était d’ailleurs… un chat ! Le premier gardien des lieux – il y a des souris parfois lorsque l’on entrepose du houblon et du malt. Il fut sanctifié et a donné son nom à cette bière, qui rappelle celles d’Abbaye belges. Elle est très forte et très typée!) a ainsi été primée « meilleure bière du monde » dans sa catégorie par le New York Times !
La dégustation est très intéressante (et agréablement accompagnée de spécialités locales, nous retrouvons bien sûr la tête de moine) et la visite qui la précède m’apprends beaucoup de choses sur la fabrication de la bière, l’utilisation de plus ou moins de houblon, des épices ou du vieillissement en fût de chêne qui jouent grandement dans les saveurs et la force de la bière. Les différentes fermentations également.
Bucolie en flocons
Après cette matinée instructive et gustative, il me reste tout de même pas mal d’énergie pour tester les sentiers des environs ! Bien sûr, je n’ai qu’un aperçu des possibilités très importantes offertes ici en matière d’itinérances douces, mais c’est déjà bien : l’étang de la Gruère est particulièrement bucolique, avec ses faux airs de Canada, puis la chaîne rocheuses des Sommêtres me surprend. Dans les plateaux herbeux et les forêts à la nature plutôt douce alentours, on ne s’attend pas vraiment à voir surgir ces chaos de pierres aux formes assérées.
Au sommet, la vue sur les méandres du Doubs est imprenable. Nous avons de la chance avec le mauvais temps : le contraste entre des coins de ciel bleus et des nuages tourmentés donne une dimension tragique et romantique encore bien plus forte. Curieusement, portés par le vent, les flocons semblent monter vers nous depuis la vallée encaissée. Le refuge construit presque tout au bout de cet hamas de roche semble un bel abris au milieu de la tourmente des cieux et des rocs.
Je passerai ensuite une soirée bien tranquille entre le centre-ville de Saignelégier et mon accueillante chambre d’hôte située un peu plus loin. La vue de ma fenêtre est bien belle, mais les montagnes au fond se dotent désormais d’une blancheur assez nette.
Le lendemain, mon programme prévoyait une belle matinée de promenade à VTT, un mode de découverte également tout à fait adapté à la région et à ses reliefs encore doux. Mais la température (-5°) et la neige, tout de même assez exceptionnelle pour cette période de l’année, me disuadent d’en goûter le charme. Je remplace par une randonnée pédestre plus adaptée aux circonstances.
Je descend donc à pied vers la vallée du Doubs, où je vais trouver, entre la Suisse et la France, des terrains de jeu bien ludiques : les sentiers des contrebandiers alternent rudes montées et descentes, sur des échelles presque impressionnantes. L’endroit est sauvage et j’y marche sous de doux flocons. Ce n’est cependant pas désagréable du tout. L’absence de vent fait que je ne ressens guère le froid. J’aurai aussi pu descendre un peu plus pour retrouver le sentier de halage au bord du Doubs, sans doute plus facile.
Je remonte ensuite sur le plateau pour traverser de calmes prairies et achever ma marche du jour dans la ville de la Chaux de Fond. Là, un bon déjeuner m’attend au restaurant du théâtre où je fais connaissance avec Christine, qui sera ma guide pour les deux jours suivants.
Sur les pas des contrebandiers
Nous retrouvons le Doubs un peu plus tard, pour une promenade en bateau jusqu’au Saut du Doubs, l’un des sites naturels les plus connus de la région. Le niveau de l’eau est plutôt bas, l’hiver a été sec, mais les rives n’en sont pas moins impressionnantes. Quelques chalets isolés semblent veiller sur les lieux, empreints de sérénité. Une courte promenade nous mène ensuite jusqu’au saut du Doubs lui-même, que l’on peut atteindre aussi du côté français. La cascade reste belle malgré un débit un peu faible.
Nous remontons ensuite en altitude pour explorer les terres les plus froides du Jura suisse et même de la Suisse entière : à la Brévine on a déjà enregistré un – 46 degrés et l’endroit est surnommée la Sibérie suisse. Un festival du froid s’y tient même chaque année.
Aujourd’hui, on n’en est pas là mais il fait tout de même vraiment frais lorsque nous parcourons à pied les sentiers qui parcourent les bords du lac des Taillères. L’endroit n’en est pas moins beau cependant; les eaux sont claires et les verts bien marqués.
Néanmoins, j’apprécie avec davantage encore d’ardeur la chaleur du l‘hôtel du loup blanc où je termine un peu plus tard cette belle journée. Après le dîner, je tente une petite promenade digestive pour découvrir le village mais j’en suis assez vite dissuadé : le thermomètre indique -3°…